Que fais-tu, Naftali ? Les 100 premiers jours de Bennett, sans idéologie, sans limites.

Le Premier ministre a atteint cent jours de mandat sans principes, sans lignes rouges à ne pas franchir, sans influence sur ce que font ses ministres, avec un silence du tonnerre devant ses partenaires qui soutiennent le terrorisme, les yeux bandés face aux avancées politiques de ses acolytes avec les arabes palestiniens.

Bennett a traîné un tas de valeurs bafouées et de souillures morales lors de son arrivée au bureau de Premier ministre. Dans ce tas, les nombreux mensonges à ses électeurs, les nombreuses promesses qu’il n’a pas tenues, et qu’il a brisées les unes après les autres. Il nous a en revanche montré que derrière tout ce qu’il fait aujourd’hui, il n’y a pas d’idéologie, du moins pas celle qui l’a amenée à ce poste. 

Mais tout cela s’éclipse face à la grande disgrâce qui sera inscrite à jamais au nom du président de Yamina[1]. Bennett a complètement supprimé du lexique le terme « ne pas franchir de ligne rouge ». Après son mandat, il n’y aura plus rien d’interdit. Tout sera permis. Tout aura un sens. Tout sera légitime. Mille fois déjà, il a été rappelé à Bennett sa coopération dangereuse avec des députés arabes extrémistes, mais je veux pousser ce débat sur un point précis, pour démontrer clairement à quel point l’homme qui s’est vu candidat à la direction du camp national, était prêt à descendre bien bas et combien il était prêt à payer pour devenir Premier Ministre.

Après que la police et le Shabak aient réussi à mettre la main sur des suspects accusés d’avoir tenté d’assassiner des Juifs et de brûler leurs biens lors des émeutes d’Acco, un groupe d’habitants arabes de la ville d’Acco ont installé une tente de protestation pour exiger la libération des détenus. Quelques jours avant son décès, le président de la commission de l’intérieur de la Knesset, un député du parti Ra’am, Said Al-Harumi, s’est rendu dans cette tente de protestation pour une visite de soutien. Sur une photo publiée à l’époque sur cet événement, par Yair Corcos, du journal « Makor Rishon », on pouvait voir Al-Harumi prenant la parole devant les manifestants dans la tente, avec en arrière-plan une affiche : « Acco ne laissera pas ses fils dans les prisons de l’occupation ». Et en dessous, les photos des détenus dont la libération était requise.

Il y avait une photo de Hassan Aid, dont l’acte d’accusation déposé contre lui par le bureau du procureur d’État lui attribuait l’incendie criminel de l’hôtel Efendi, incendie qui a conduit à la mort du lauréat du prix de la sécurité israélienne Avi Har-Even. Il y avait une photo de Habib Abu Habib, accusé d’avoir participé aux lynchages de deux Juifs, Mordechai Katz et Mor Janashvili. Il y avait les photos de Kusai Abbas, Balal Hilwani et Adam Bashir, tous trois également accusés d’avoir exécuté le lynchage de Janashvili. Le député Al-Harumi se tenait là, lors d’un événement de soutien aux personnes accusées d’actes graves de terrorisme contre des Juifs, en tant que président de la Commission de l’intérieur de la Knesset et en tant que membre important de la coalition.

Faut-il ajouter encore une explication pour comprendre à quel point nous sommes tombés bien bas ? A quel point cette situation est insupportable ? Dans une situation normale, Bennett, Ayelet Shaked, Matan Kahana, Nir Orbach et Idit Silman auraient renversé le pays à cause d’un tel événement. Mais c’est exactement ça, la situation normale n’existe plus et ne reviendra pas.

« Avec quel parti de la coalition avez-vous une relation particulièrement bonne ? « , a demandé la journaliste Tal Schneider à la présidente de la coalition, Idit Silman.

« J’ai été très, très impressionnée par le président de la commission de l’intérieur, Said Al-Harumi », a répondu Silman. Les gens de Yamina ont mis leur destin politique entre les mains d’Al-Harumi, et à partir de ce moment-là, ils ont été obligés de dire : « Kadosh, Kadosh Kadosh» (« Saint, Saint, Saint ») à propos de tout ce que lui et ses amis diraient et feraient. Il suffit de voir comment la coalition a réagi à sa mort – comme s’il avait été le président de l’Agence juive – pour comprendre la profondeur du gouffre idéologique.

Du fond du néant 

Pour expliquer à quel point les valeurs de cette bande se sont évaporées, il faut remonter en arrière de quelques mois seulement, au jour où Bennett et Shaked envoyèrent leurs représentants à la Commission centrale électorale voter pour le rejet de la candidature d’Ibtisam Mara’ana du parti travailliste, et pour le rejet de toute la liste du parti Ra’am. Il faut savoir qu’il y avait des raisons impérieuses. La première, Mara’ana et Ra’am soutiennent la lutte armée des organisations terroristes contre l’État d’Israël. La seconde est qu’ils nient l’existence de l’État d’Israël en tant qu’État juif et démocratique. C’est ce que Bennett et ses acolytes pensaient des gens de Ra’am en février dernier. 

Lorsque les membres du Likoud se sont absentés du vote pour disqualifier Ra’am, vote dont Matan Kahana de Yamina était l’un des trois seuls membres du comité à l’avoir soutenu, Kahana est devenu fou : « Crise morale et souillure des valeurs » Aujourd’hui ce sont ses associés ; « des embrasseurs de terroristes » et « des partisans du terrorisme ».

Nous sommes habitués au cynisme de la politique et au zigzag des politiciens. Maisi il n’y avait pas de politique, là il s’agissait de l’essence même. Bennett, Shaked, Kahana, Orbach et Silman avaient demandé la disqualification de Mansour Abbas, Walid Taha et Said Al-Harumi parce qu’ils les considéraient vraiment comme des partisans du terrorisme, et il leur semblait fou que de tels terroristes siègent à la Knesset d’Israël. Maintenant chacun d’eux devrait se demander comment il est vide de valeurs pour conduire les gens de Yamina là où trois mois et demi à compter du jour où ils se sont battus pour disqualifier ces « partisans du terrorisme », ils ont signé un accord de coalition avec eux et leur ont donné des postes clés. 

À quel point est-il honteux pour Nir Orbach  de publier sur Instagram un message de félicitations à la députée Mara’ana, lors de son entrée en fonction en tant que présidente du Comité des travailleurs étrangers, quelques instants après que son parti ait demandé de l’empêcher de se présenter à la Knesset, affirmant qu’elle soutenait une lutte armée contre l’État d’Israël. Jusqu’à quelle bassesse doit-il descendre pour déclarer à la Knesset que « Walid Taha mérite d’être à la Knesset », alors qu’il y a seulement cent jours, lui et son parti ont cherché à disqualifier la candidature de Taha à la Knesset, affirmant qu’il soutenait les terroristes meurtriers ? 

Qu’est-ce que ces gens expliquent à leurs enfants ? Que pour éviter une cinquième élection, ils ont jeté à la poubelle toute leur éducation ? Y a-t-il quelqu’un d’autre dans l’Histoire du sionisme religieux qui s’est détérioré autant, jusqu’au plus profond du néant ? Et il est important de clarifier à nouveau, ce n’est pas un débat politique, ce n’est pas une délibération sur la question de savoir quoi voter sur telle ou telle Loi. Le groupe de Yamina, et avec lui Gideon Saar, Zeev Elkin, Yoaz Handel, et Zvika Hauser, ont décidé que si ce qui vous motive c’est le désir d’être  Premier ministre et/ou de jeter Netanyahou et/ou de s’occuper de sauver votre carrière politique, alors c’est normal que vous n’ayez pas de ligne rouge.

Et donc, après cent jours comme ceux-ci, nous devons nous pincer pour nous rappeler qu’il ne serait jamais venu à l’idée d’un député sioniste de s’asseoir avec un homme tel que Walid Taha, qui a déclaré que le sionisme est un « projet raciste et cruel ». Que lors de l’opération « Gardien des murailles », lorsque nous avons combattu le terrorisme arabe à Gaza et à Jérusalem, il a manifesté avec l’autre camp et nous a accusés de « souiller Al-Aqsa ». Que pour lui les arabes palestiniens, contrairement aux Juifs, étaient « les propriétaires de cette terre, et n’y sont pas venus de Russie et d’Ukraine ».

Vous savez quoi ? Je vais mettre de côté son soutien, il y a huit ans, en faveur des assassins de nos soldats lors de la « Nuit des fourches »[2], c’était il y a longtemps. Allez savoir, peut-être depuis qu’il a fait pénitence. Je parle juste de ses déclarations et de ses actions actuelles.

Le pouvoir de l’habitude

Et s’il y a un gouffre plus profond encore que le franchissement des lignes rouges et le piétinement de toutes les limites morales, c’est le fait que les gens de Yamina nous habituent petit à petit, à penser que c’est une réalité avec laquelle nous pouvons vivre. Qu’il n’y a plus rien d’inconcevable. Qu’il n’y a plus rien d’improbable. Car lorsque la coalition « Dix degrés à Droite » se tait face au soutien aux terroristes, tout semble soudain légitime. Ainsi, certains membres importants de la coalition soutiennent les terroristes, pensent que le sionisme est un projet raciste et cruel, et glorifient les meurtriers de juifs. Mais bon, ils se sont arrangés pour que nous ayons le cabinet du Premier ministre, et pour nous « Si ce n’est pas au sujet du poste de Premier ministre, cela ne nous intéresse pas ». [3] 

Et dans ce sens il n’y a rien de pire que l’habitude. Car l’habitude a le pouvoir de tout permettre. Voici que nous avons fait une alliance avec ceux qui soutiennent le terrorisme, et leur avons donné des postes importants afin qu’ils soutiennent notre gouvernement, et nous nous sommes couchés, et nous nous sommes levés le matin, et le soleil brillait encore, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, vous avez vu ? Nous vous avions dit que ce n’était pas si mal. Et après lors de prochaines élections, quand Yair Lapid voudra former une coalition avec Ahmad Tibi, et que quelqu’un à Droite, qui se souviendra encore du passé, criera qu’il n’est pas  convenable de s’asseoir avec quelqu’un qui fait l’éloge des martyrs, nous allons tous le regarder comme un marginal, un extrémiste et un fou. Parce que c’est comme ça que Bennett et Shaked nous auront habitués. Après leur mandat, plus rien ne semblera déplacé. Rien ne serait plus considéré comme non convenable. Plus rien ne sera perçu comme terrible.

Encore un instant ; cela ne s’arrête pas à Ra’am. Vous souvenez-vous qu’une fois, lorsque les Européens ont exigé de marquer sur des produits qu’ils ont été fabriqués en Judée-Samarie, nous les avons attaqués et condamnés en affirmant qu’il s’agissait d’une action antisémite ? Eh bien, le parti Meretz a plus d’une fois soumis un projet de loi exigeant l’étiquetage des produits des implantations. Exactement comme ces « antisémites » anglophones. Lorsque l’ONU a décidé de publier une « liste noire » des entreprises opérant dans les implantations et que le président Reuven Rivlin a déclaré que cela rappelait « la période sombre », Mussi Raz du Meretz a clairement indiqué que «  Meretz soutenait le boycott des produits fabriqués dans les implantations. »

Lorsque Ben & Jerry’s a annoncé sa décision d’arrêter de vendre des glaces en Judée-Samarie, la députée Gabi Lasky, sur le soutien de laquelle compte Bennett pour sa coalition – Bennett qui était l’ancien directeur général du Conseil de Judée-Samarie – a clairement indiqué que « c’est une décision qui doit être respectée ». 

De façon évidente l’ancien Bennett se serait lancé dans une guerre des valeurs. Aujourd’hui cela n’intéresse même pas le nouveau Bennett. Pointez du doigt et boycottez qui vous voulez. Les personnes qui partagent ces opinions, partisans de divers boycotts, sont coincées depuis des années en marge du discours israélien. Elles étaient le bizarre du bizarre. Bennett est arrivé et les a placées au sommet de la pyramide, il les a ramenées dans le courant dominant israélien, eux et leurs positions extrémistes.

Bennett l’ancien et le bon

Toute personne ayant vu les interviews de Bennett pour les fêtes aurait dû se frotter les yeux pour le croire. Si jusqu’à présent c’étaient les critiques et les opposants de Bennett qui affirmaient que pour être Premier ministre, il avait rompu avec toutes ses valeurs, Bennett l’a maintenant admis de sa propre bouche, lorsque Yonit Levi lui a rappelé la contradiction entre ses positions d’aujourd’hui et les positions qu’il avait précédemment exprimées, juste avant qu’elle ne conclue que « l’idéologie a été effacée afin de devenir Premier ministre »,  Bennett lui a expliqué que « lorsque vous entrez dans ce Bureau, vous devez laisser tomber toute la politique derrière vous ».

Cela rejoint à merveille le texte exact de mon collègue, Ben Caspit, qui a expliqué dans les pages de ce journal ce que le 1er Ministre a vécu au cours de ces derniers mois. « Il se passe quelque chose d’étrange chez Bennett », a écrit Ben Caspit, « en l’état actuel, il a perdu une grande partie de sa base électorale. Apparemment, c’est mauvais. En réalité, c’est merveilleux. Il s’est libéré. Il peut opérer en toute liberté. Il peut ne faire que les choses qui doivent être faites, Neto. Pas de poids politiques ou de joug autour de son cou. Il ne doit plus plaire aux électeurs. ».

Et pourquoi ce texte est-il si exact ? Qui est réellement cette « base électorale », telle qu’elle est définie par Ben Caspit ? Cette base est composée de ceux qui ont envoyé ce politicien à la Knesset. Cette Base est le groupe qui a trouvé ce parti comme étant le  plus proche que tout autre parti de ses opinions, de ses positions, de ses visions du monde. Si cette base est la carte d’identité du politicien, Bennett est maintenant un politicien sans identité, car rien de ce que lui et son gouvernement font maintenant ne ressemble à ce qu’il a prêché toutes ses années en politique.

Nous avions déjà des politiciens qui se débarrassaient du poids de leur idéologie qui les a amenés à la Knesset. Je doute que nous ayons eu un politicien qui s’en est débarrassé aussi rapidement et si facilement, tant et si bien que l’on reste bouche bée devant ce spectacle et qu’on se demande s’il est possible que sa vision du monde – qui était censée être présente dans le passé – n’était rien d’autre que du cinéma? Et quand Ben caspit, qui – il y a seulement un an et demi –  pensait que Bennett était « très dangereux, très puéril et inapte à être ministre de la Défense », l’applaudit aujourd’hui, et quand le journal Haaretz[4] est satisfait de lui, et quand Mansour Abbas – qu’hier  encore Bennett  cherchait à  disqualifier de la Knesset – le complimente, et quand Rivka Michaeli, membre du conseil public de Betselem[5], le choisit comme son « Homme de l’année », alors tout est clair.

Tous ces amis distingués détestaient la vision du monde de la base électorale qui a amené Bennett là où il est, et quand Bennett jette cette base et son idéologie par la fenêtre, ils sont en fête. Parce que toutes les critiques qu’ils avaient dans le passé visaient le vieux Bennett. Maintenant, ils sont amoureux de quelqu’un qui porte le même nom, mais ne partage presque rien avec lui.

Bennett a une explication qu’il fournit occasionnellement aux gens qui lui en parlent. « Il y a un temps pour tout, dit-il, pour l’idéologie aussi. » Et vous vous demandez, alors, pourquoi allons-nous aux élections? Car si l’idéologie est neutralisée, quelle est la différence entre Bennett et Nitzan Horowitz[6] ou Ayman Odeh[7] ? Si tout ce dont le 1er ministre a besoin, c’est  la capacité de gérer – et mettons de côté un instant la question de savoir si, compte tenu de ce qui se passe ici, Bennett a cette capacité -, alors pourquoi ne pas choisir notre leadership par l’intermédiaire d’un appel d’offres ou d’une société de ressources humaines ?

L’homme faible de la coalition

Et ce qui est le plus étonnant, c’est qu’à bien des égards, le parti Yamina[8] est devenu une sorte de Yesh Atid[9]. Un parti dirigé par un homme, dont tous les membres se lèvent le matin, le saluent et s’alignent sur tout ce qu’il dit. Bennett sait que peu importe ce qu’il fait, il y aura toujours Ayelet Shaked et Matan Kahana pour faire son éloge. Un parti entier de personnes, qui étaient censées être sérieuses et avec des opinions tranchées, suivent la flute de Hamelin. Rien de l’idéologie qui les a amenés eux et lui en politique ne subsiste après 100 jours de pouvoir, et aucun d’entre eux, à part Amichai Shikli, qui reste fidèle à ses valeurs, n’est capable d’avoir un mot critique envers lui-même. Aucune bête non casher ne pourra pas être cashérisée. Aucune violation ne sera pas jugée acceptable.

Ecoutez, c’est bien que Bennett encense ses ministres à chaque occasion, mais la vérité doit aussi être dite. Il n’a aucune influence sur eux. Nous avons dans ce gouvernement un grand nombre de Premiers ministres, chacun dans son domaine, dont l’homme le plus faible de ce groupe, ironiquement, est le 1er Ministre officiel.
Il ne peut faire de remarque à aucun de ses ministres, de peur qu’ils ne le fassent tomber. Il ne peut pas agir selon l’idéologie pour laquelle il a été choisi, de peur de les contrarier.

Yair Lapid et Benny Gantz peuvent promouvoir des processus politiques à leur guise. Meretz peut être fier d’agir pour la communauté LGBT et aller sur le terrain pour appeler à l’évacuation des implantations. Le Parti travailliste peut essayer de restreindre la force de l’association « Ad Kan[10]» et lutter pour changer la carte des priorités nationales afin de nuire aux implantations, et de promouvoir le principe d’égalité dans les lois fondamentales[11]. Et seul Bennett, comme je l’ai dit, ne peut rien faire pour ses électeurs. Rien du programme de Droite que Bennett  a fièrement mené depuis le jour où il a mis son pied dans le monde de la politique israélienne.

Prenez « l’Economie en échange de la sécurité », la nouvelle initiative politique de Lapid. C’est une initiative dont tout homme de Droite doit s’offusquer. En partie parce qu’elle est proposée en période d’affrontements, vu que le Hamas tire sur nos localités. En partie parce qu’il cherche à renforcer l’Autorité palestinienne, alors que cette dernière paie des salaires à quiconque est prêt à assassiner des Juifs. En partie parce qu’il a l’intention de relier la Judée et la Samarie à la bande de Gaza, comme si c’était ce qui nous manquait maintenant. En partie parce qu’elle invite le monde entier à s’immiscer dans nos affaires. En partie parce que l’addition de toutes ces raisons rappelle trop d’éléments des accords d’Oslo.

Ce plan n’a pas été présenté au gouvernement, mais Lapid parcourt le monde et a des conversations à ce sujet avec les Américains, les Russes, les Égyptiens et tous ceux qui sont prêts à l’écouter. Le nouveau Bennett soutient-t-il ce plan, auquel l’ancien Bennett était censé s’opposer de toutes ses forces? On ne saura jamais, et cela n’a pas vraiment d’importance non plus. Bennett ne gère pas vraiment les choses ici. De deux choses l’une : soit il donne  le feu vert à Lapid pour continuer, ce qui est mauvais. Soit il ne lui donne pas le feu vert, mais Lapid ne le lui demande pas, ce qui est tout aussi mauvais. Quoi qu’il en soit, puisque Lapid n’est pas une personne privée mais le ministre des Affaires étrangères de l’État d’Israël, ce plan qu’il présente dans le monde n’est pas son plan. C’est le plan du gouvernement israélien, c’est à dire de Bennett, le Premier ministre d’Israël, quoiqu’il dise.

Il en va de même pour la rencontre de Benny Gantz avec Mahmoud Abbas. C’est mignon qu’à Yamina, ils expliquent que Bennett lui-même ne s’assiéra pas avec Mahmoud Abbas, et qu’il indique lui-même clairement qu’il s’oppose à la reprise des négociations avec lui. Et alors? Quelle est l’importance de ces messages? Et alors si Bennett ne s’assoit pas avec Abbas ? Il suffit que son ministre de la Défense s’assoit, parle et promeut des initiatives. Gantz est-il le ministre de la Défense de Kakhol lavan[12] ? Yair Lapid est-il le ministre des Affaires étrangères de Yesh Atid ? Nitzan Horowitz et Tamar Zandberg, qui ont rencontré leurs homologues palestiniens, sont-ils les ministres de la santé et de la protection de l’environnement du Meretz ? Bien sûr que non. Ce sont tous des ministres du gouvernement israélien, et leurs actions montrent que sous l’égide de Bennett, et malgré ses démentis, nous sommes engagés dans des pourparlers avec les arabes palestiniens, pourparlers qui n’existaient plus depuis plus d’une décennie.

Abandon de l’idéologie

Comme je l’ai dit, nous avons l’habitude que les politiciens changent leurs positions, sans sourciller. Pourtant, les vidéos qui sont constamment téléchargées  nous rappellent que pour chaque déclaration que Bennett fait aujourd’hui, il y a une déclaration contradictoire de sa part hier – embarrassante à des niveaux jamais égalés.

Comment peut-on prendre au sérieux celui qui a expliqué dans le passé que Tsahal lie les mains des soldats, et qui explique aujourd’hui exactement le contraire ? Celui qui exige aujourd’hui  que Tsahal ne soit pas mis dans le débat politique, et qui depuis des années dit le contraire ? Celui qui a expliqué que la promulgation d’une loi qui disqualifierait Netanyahou de se présenter à la Knesset est « un geste antidémocratique extrême qui crache au visage de la moitié d’un Pays », et qui explique maintenant que son parti devrait considérer, réfléchir, et décider de sa position sur la question? Celui qui a expliqué qu’il comprend mieux que quiconque à quel point il est dangereux que les arabes palestiniens prennent le contrôle, hectare par hectare, des zones C[13], et leur permette aujourd’hui de le faire sans interférer, et leur octroie également plus de permis de construire dans ces mêmes zones?

Celui qui a émis un avis sur la liberté de culte des Juifs sur le Mont du Temple, et sous la pression de Raam,  a été forcé de s’en excuser et de le retirer dans la panique? Celui  qui s’est moqué de Netanyahou pour ne pas avoir évacué Khan al Ahmar[14], et qui refuse maintenant de l’évacuer  lui-même ? Celui qui donne pour prétexte à la non évacuation de ce village arabe illégal, la crainte que cela ne nous nuise dans la procédure menée contre nous devant le Tribunal de La Haye, mais qui permet à son ministre de la Défense de se rendre à Ramallah et de rencontrer la personne qui a initié ce processus ?

Et il est important d’expliquer à nouveau pourquoi c’est si horrible. Parce que quand il s’agit d’un politicien qui viole certaines de ses promesses politiques, disons que ça arrive. La vie est compliquée. On ne peut pas toujours tout obtenir. Le problème avec Bennett est que presque toutes ses promesses passées reflétaient – du moins nous le pensions alors – une idéologie. Elles exprimaient un programme de base, une vision du monde sur laquelle il avait été élevé. Et quand toutes les idéologies, toutes les promesses et toutes les visions du monde sont jetés sur le bord de la route en échange de la possibilité de devenir Premier ministre, et que nous nous retrouvons avec la combinaison dangereuse de  zéro engagement envers ses valeurs et une ambition illimitée, pour moi cela me rappelle surtout Ariel Sharon[15].

L’âne du Messie

Donc, oui, la presse l’aime, le serre dans ses bras et le caresse, et était surexcitée à son retour de Washington où il a jugé bon de remercier les journalistes qui l’ont accompagné. La Vérité? La presse mérite ces remerciements de la part du 1er Ministre, parce qu’au cours des 100 premiers jours de son mandat, elle a choisi de ne pas l’intimider, de le harceler et de ne pas faire son travail. Quiconque a expliqué, à l’époque de Netanyahou, que le rôle de la presse était de critiquer le pouvoir en place, quelque soit le gouvernement, danse depuis plusieurs mois avec Bennett sur les épaules, sans poser de questions et sans faire de commentaires.

Ceux qui n’ont pas vu la joie des journalistes face à un gouvernement sans Netanyahou ne savent pas ce qu’est la joie. Et les plus embarrassants de tous sont les chroniqueurs politiques. Ceux-ci mangent des briefings des mains de Bennett et les jettent sur les pages du journal, tout comme Bennett aurait voulu qu’ils le fassent. Dans la semaine où il n’a pas réussi à faire adopter la loi sur la citoyenneté, le commentateur politique de Yedioth Ahronoth a conclu : « Bennett est heureux ». Le commentateur politique de Haaretz a statué : « Bennett se plait ». Le commentateur politique de Maariv a décidé : « Bennett est satisfait ».

Mais ce n’était que le début. Regardez ce qui se passe avec le Corona. 1 000 personnes sont mortes en un mois et demi ? La situation est excellente. Il n’y a plus de machines ECMO[16]  ? C’est cool. Le nombre de patients gravement malades augmente ? Le pays est sur la bonne voie. Le Premier ministre insiste pour ouvrir l’année scolaire le 1er septembre, et des dizaines de milliers d’enfants sont en confinement à la maison, isolés avec leurs parents et avec le coronavirus ? « Bilan de Bennett après un trimestre : presque exempt d’erreurs »[17].

Tous les commentateurs qui jusqu’à hier l’avaient massacré font maintenant le maximum pour faire son éloge, parce qu’il leur a arrangé un gouvernement  avec le Parti travailliste, Meretz, les arabes, et avec des pourparlers sur deux États, et sans Bibi, sans likoudniks, sans les ultra-orthodoxes, et sans la Droite, ou comme le dit Yair Lapid : « un Gouvernement normal de gens normaux, qui viennent du bon endroit ». Eux, tous les gens de Gauche, voient Bennett  et le prennent pour un âne. Lui, se regarde lui-même, et se voit, pauvre de lui, comme le Messie.

Kalman Liebskind (Journal Maariv 25/09/21)

Crédit traduction: Israel Is Forever


[1] Parti de Bennett

[2] Le 14/02/1994 trois terroristes se sont infiltres dans une base militaire et ont tué à coup de couteux et de fourches des soldats.

[3] Reference au slogan de Bennett: « s’il ne s’agit pas du Corona, cela ne nous intéresse pas »

[4] Journal d’extrême gauche

[5] ONG d’extrême Gauche se battant pour les « droits » des arabes « palestiniens »

[6] Député de Meretz, parti d’extrême Gauche

[7] Député de la liste arabe unie

[9] Parti de Yair Lapid

[10] Association de Droite

[11] Qui a pour but d’annihiler l’identité juive d’Israel 

[12] Parti de Gantz

[13] Sous controle exclusivement israelien

[14] Village Bédouin construit illégalement contre lequel la Cour suprême a statué sur la nécessité de son évacuation- évacuation que le Gouvernement Natanyahou a constamment repoussée.

[15] Qui a été élu 1er Ministre en étant à la tête du Likoud mais qui a expulsé les juifs du Goush Katif

[16] Machines d’assistance respiratoire

[17] Titre du journal Haaretz